lundi 22 février 2016

Banished - le Kolkhoze vidéoludique

En 2014-2015 j'ai énormément joué à Banished, petit jeu indépendant développé par un seul homme. Ce n'est qu'aujourd'hui que je m’aperçois de la portée de ce jeu...
Sorte de gestionnaire de ville à l'époque médiévale, on commence avec une dizaine de colons balancés en pleine campagne. Disposant d'un stock de fournitures pour s'établir, il s'agit de donner à chaque colon un rôle dans la construction d'une nouvelle communauté.
La nourriture doit être produite, le bois de chauffage doit être récolté puis transformé, les maisons doivent être construites... Les colons se partagent le matériel et les denrées, afin que chacun effectue son métier le plus efficacement possible.
Chaque membre de la communauté a un rôle et le fruit de son travail est mis à disposition de l'entièreté de la population.

Par exemple:

Daniel est là depuis le début, il est pêcheur. Une fois le poisson pêché, il le dispose dans le cellier commun, créant ainsi un stock. Daniel est en concubinage avec Josy, forgeronne. Elle produit des outils avec le fer que lui apporte Jean-Marc, mineur et le bois que collecte Micheline, bûcheronne. Elle remise ses outils au cellier, avec le poisson, créant elle aussi un stock.
Le stock de nourriture, comme celui du bois de chauffage, est réparti par d'autres colons. Ils dispatchent les denrées de façon équitable selon les habitations.

(Un de mes villages, peuplé de 124 âmes après 45 ans d’installation)

La maison de Daniel et Josy ce sont Simon et Carline qui l'ont bâti, comme toutes les autres entre le marché et le port...

Bref, dans Banished, chacun possède un métier qui le rend utile au sein de la communauté, de l'instituteur au chasseur, en passant par le forestier et le bâtisseur. Et l'équilibre est extrêmement délicat.
Si je décide que Micheline cesse de récolter du bois et que je ne la remplace pas, laissant seul son collègue Kévin, avec moins de matière première Hamine aura moins de bois de chauffage à produire, cela va manquer dans les chaumières et la moitié de la population va mourir de froid lors du prochain hiver...
Ce jeu simple, exigeant et prenant, fonctionne sans aucun rapport de domination économique, militaire ou hiérarchique. Lorsqu'elle vit pendant un siècle, notre communauté évolue sans encombre si l'on fait attention à maintenir l'équilibre entre la production de ressources et l'accroissement de la population. Car évidemment, Daniel et Josy vont avoir cinq enfants...



Bien sur il s'agit simplement de maintenir la progression d'un algorithme mathématique aux multiples variables et non d'une véritable expérience humaine et sociologique. Il faudrait "bannir" la notion d'individualité et d'initiative personnelle pour qu'une société fonctionne de cette manière.
Mais ce qui est remarquable, c'est l'association de deux notions:
D'abord le partage équitable, sans lequel la fin est assurée, puis l'absence de relation hiérarchique. Certes le joueur distribue les rôles, tout le monde ne pourrait pas choisir de devenir cueilleur. Cependant, pour que la société fonctionne, comme pour les denrées, la répartition des tâches doit elle aussi être équitable.
Et c'est un riche exemple pour notre société parasite, où la création et la production ont laissé place à la consommation et au service.



Cela éveille chez moi une autre dissertation, celle de l'utilité de la création de jeu vidéo de manière indépendante, utilité créative, économique et écologique, dans un monde moderne où Minecraft a remplacé Lego (ou presque ;) )...